Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street

Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street

Date de sortie : 23 Janvier 2008
Réalisé par Tim Burton
Avec Johnny Depp, Helena Bonham Carter, Alan Rickman
Film américain. Genre : Musical, Thriller
Durée : 1h 55min. Année de production : 2007
Interdit aux moins de 12 ans
Titre original : Sweeney Todd - The Demon Barber of Fleet Street
Distribué par Warner Bros. France


bande annonce :


Synopsis
Après avoir croupi pendant quinze ans dans une prison australienne, Benjamin Barker s'évade et regagne Londres avec une seule idée en tête : se venger de l'infâme Juge Turpin qui le condamna pour lui ravir sa femme, lucy, et son bébé, Johanna. Adoptant le nom de Sweeney Todd, il reprend possession de son échoppe de barbier, située au-dessus de la boulangerie de Mme Nellie lovett. Celle-ci l'informe que Lucy se donna la mort après avoir été violée par Turpin.
Lorsque son flamboyant rival Pirelli menace de le démasquer, Sweeney est contraint de l'égorger. L'astucieuse Mme Lovett vole à son secours : pour le débarrasser de l'encombrant cadavre, elle lui propose d'en faire de la chair à pâté, ce qui relancera du même coup ses propres affaires.

Sweeney découvre que Turpin a maintenant des visées sur Johanna, qu'il séquestre avec la complicité de son âme damnée, le Bailli Bamford. L'adolescente a attiré les regards d'un jeune marin, Anthony, celui-là même qui avait sauvé Sweeney lors de son évasion. Amoureux fou de la jeune innocente, Anthony se promet de l'épouser après l'avoir arrachée à Turpin.
Pendant ce temps, le quartier de Fleet Street s'est entiché des "tartes" très spéciales de Mme Lovett, et celle-ci se prend à rêver d'une nouvelle vie, respectable et bourgeoise, avec Sweeney pour époux et Toby, l'ancien assistant de Pirelli, comme fils adoptif. Mais Sweeney est bien décidé à mener à terme sa vengeance, quel qu'en soit le coût...

Voilà un film que j'ai dévoré (comme les londonniens qui dévorent les tourtes de Mme Lovett), principalement parce que je suis une fanatique de la comédie musicale depuis de nombreuses années, et étant en terrain connu, j'avoue que l'adaptation de Burton m'a énormement plu...

Je pourrai regretter le fait qu'il y a des coupes, à la fois dans l'histoire et les chansons, moins parceque j'aurai aimé tout y voir, que parceque certains personnages souffrent de ces coupes... mais l'important est là : Tim Burton a respecté la pièce et son essence.
Visuellement, c'est superbe, les acteurs ne sont peut-être pas des chanteurs affirmés (et je pense surtout à Hélène Bonham Carter), mais je prefère de loin des chanteurs qui "vivent" la chanson plutôt que de bons chanteurs opératiques.

Johnny Depp a pris le parti d'interpreter le personnage de Sweeney de façon interiorisée. Il semble dépourvu d'affection, même envers sa fille, sa haine couve plus qu'elle n'est présentée au grand jour (à la difference d'un George Hearn, par exemple). Mme Lovett, jouée par Bonham Carter, est merveilleuse, surtout qu'elle extirpe de Mme Lovett son aspect maternel. Les autres acteurs sont du même acabit, dont un formidable Alan Rickman dans le rôle le moins facile, le juge Turpin, violeur et (semi -) pédophile. Sacha Baron Cohen, dans le rôle de Pirelli, est parfait de ridicule et de noirceur. Seuls les rôles du jeune couple m'ont semblé moins bons : le jeune garçon qui joue Anthony a un physique un peu trop féminin, quoique son air doux convient parfaitement à la bonté et à la naiveté du personnage; quant à Johanna, c'est surtout les coupes qui la confine au rôle de gentille poupée à sauver.

Mais Sweeney Todd est surtout le film le plus sombre et le plus nihiliste de Burton (avec un tel materieau de base, il ne pouvait bien sûr en être autrement), un conte gothico - grotesque (grotesque au sens noble du terme), dont la plus grande force est cette tristesse, cette mélancolie, une fois que la folie se calme, qui plane dans tous les plans du film. Les musiques semblent un peu plus lisses qu'au théatre, mais restent superbes, même si chantées par des non-professionels... elles sont toujours drôles (même si je m'attendais à plus d'humour noir dans A Little Priest qui de fait, tombe legerement à plat), lyriques et tragiques.


Sweeney Todd est plein de folie (aucun personnage, hormis Anthony et Johanna - du moins, peu pour cette dernière) n'échappent à la folie, à la prison qu'il s'est lui-même forgé, dans un véritable jeu de massacre qui rappelle le Grand Guignol du XIXème siècle, un jeu amoral (voir la thématique de la famille grandement malmenée), bouffone et, à nouveau, grotesque (meurtres, nourriture, sexe, tout passe à la moulinette dans une ambiance de films gothiques façon Hammer, voir le passage dans l'Asile), absurde, mais aussi empli de tendresse (le couple Anthony et Johanna, la relation entretenue avec Mme Lovett et Tobias), d'espoirs (forcement avortés).

Au fur et à mesure du film, Burton et son scenariste tissent, comme dans la pièce, le destin de personnages bouleversants égarés dans un Londres que n'aurait pas renié Dickens...

Et puis surtout, il y a ce dernier plan, véritable tableau, d'une force et d'une beauté tragique, un des plus beaux que j'ai pu voir au cinéma.

Je m'arrête là, de peur d'en parler trop, mais pour moi, voilà le meilleur film de Mr Burton depuis Sleepy Hollow, et une excellente adaptation.