Ce n'est pas un film moche, non, avec un beau travail sur le noir et blanc, ainsi que sur certaines ponctuations formelles : cygnes en mie de pain voguant sur un océan de larmes, scène de théâtre résumant un pan historique, personnages se déformant ou changeant d'aspects suivant l'humeur de l'héroïne...
Pour le reste, qu'est-ce que Marjane Satrapi a à nous dire ?
RIEN. Rien sur l'Iran, rien sur l'Autriche, rien sur la France, rien sur la religion, rien sur les femmes, rien sur les hommes, rien sur l'humain... Rien, rien, rien. Rien qu'on ne sache déjà, car quant à ce qu'il pourrait y avoir de moderne ou de nouveau dans ce dessin animé trop gentil pour être honnête, mieux vaut ne pas en parler.
C'est peut-être d'ailleurs ce qui plaira aux spectateurs en quête du sentiment que leur "petite vie" vaut bien une vie parcourue par l'Histoire, et qui aimeront ainsi se reconnaître chez cette jeune fille qui n'a rien su exprimer d'original à partir ce qu'elle a vécu. (Alors qu'elle pouvait (devait ?) faire un film extraordinaire et très émouvant à partir, au hasard, de la seule relation de l'héroïne avec cet oncle à qui elle rend visite en prison.)
Pour mesurer l'échec de ce prétendu film, il suffit de se souvenir de la palette d'émotions déployées par Polanski à partir de sa seule expérience de gamin du ghetto de Varsovie.
Ici, en guise d'émotion, rien sinon les micro-chocs esthétiques de ces scénettes trop rapides se bousculant à un rythme effreiné, sans jamais rien approfondir, sans jamais rien creuser d'autres que la seule idée qu'une jeune fille comme les autres reste une jeune fille comme les autres, qu'elle habite Téhéran, Vienne ou Paris, qu'elle vive dans le sixième arrondissement parisien sous Sarkozi ou à Téhéran sous les bombes Irakiennes.
Pas de cinéma dans ce triste film, figé d'un bout à l'autre, avec ses personnages immuables et immobiles, comme ce père qui "pleure comme d'habitude" chaque fois que sa fille se rend à l'aéroport, ou cette grand-mère qui nous assomme avec ses clichés bien-pensants à la mord-moi-le-noeud.
Reste à souhaiter à Marjane Satrapi et à son co-réalisateur de progresser, pour parvenir à créer enfin un vrai mouvement de cinéma, bref, à faire un jour un film, vraiment.